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Mathilde Reynaud 

La formation professionnelle en restauration comme vecteur d’intégration socioéconomique

MOTS-CLÉS : RESTAURATION, ENTREPRENARIAT, INSERTION SOCIOÉCONOMIQUE, ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

En 2019, 9,2 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté monétaire en France métropolitaine. En cause : l’éloignement du marché du travail. En 2016, en région Auvergne-Rhône-Alpes, un demandeur d’emploi sur cinq était considéré comme éloigné de l’emploi. Un éloignement pouvant s’expliquer par divers facteurs : âge, handicap, niveau de formation, etc. (France Stratégie, 2014).

Parallèlement, la restauration est un secteur continuant d’attirer un public sans emploi, à la recherche d’opportunités professionnelles ou en reconversion. Mais ce secteur connaît aujourd’hui des mutations et crises relativement médiatiques, telles qu’une pénurie de personnel touchant un grand nombre de restaurants, invitant les acteurs à innover pour continuer à rendre attractifs les services de restauration. En effet, l’évolution des habitudes de consommation et la crise du covid-19 ont provoqué l’essor de nouveaux modèles de restauration : dark kitchen, restauration mobile et nomade par exemple, ainsi que de nouveaux systèmes de management (horaires en continu et valorisation de la rémunération salariale).

Par ailleurs, être passionné par la cuisine ne suffit pas pour en faire son métier. Une formation complète est nécessaire, surtout si l’on souhaite mener à bien un projet entrepreneurial durable. Former les publics vulnérables et sans emploi à la restauration, c’est la mission que souhaite remplir l’association Des Saveurs et des Ailes (DSDA), dont l’objectif est d’« accompagner des personnes fragilisées dans leur projet entrepreneurial en restauration » (DSDA, 2021) pour les inclure de manière pérenne dans ce secteur professionnel et développer l’offre de restauration au sein de la Métropole de Lyon.

LA FORMATION EN RESTAURATION COMME VOIE D’INTÉGRATION

Un secteur attractif

La formation en restauration apparaît comme une voie porteuse pour l’inclusion socioéconomique des personnes vivant en situation de précarité. En effet, la cuisine s’avère être un milieu d’expression accessible à tous et universel. Et les personnes bénéficiaires de formations professionnelles font part de leur passion pour la cuisine dans un cadre privé ou associatif. La cuisine apparaît donc pour certaines personnes vulnérables (réfugiés, jeunes sans diplômes, parents isolés, etc.) comme une voie de réinsertion professionnelle (Bongard et al., 2021).

La nécessité d’un accompagnement complet

Toutefois, savoir bien cuisiner ne suffit pas pour monter une entreprise. Devenir restaurateur ou traiteur nécessite d’acquérir d’autres compétences :

  • des compétences techniques et gestionnaires : hygiène et sécurité en cuisine (normes
    HACCP – Hazard Analysis Critical Control Point), code vestimentaire, gestion des ressources et comptabilité ;
  • des compétences relationnelles : gestion du stress, organisation du temps, lien avec le public.

Outre l’acquisition de ces savoirs, les personnes vivant une situation de précarité peuvent être confrontées à d’autres difficultés selon leur profil : besoin de garde d’enfant, absence de permis de conduire, ou encore faible maîtrise de la langue française.

Il est aussi important de rappeler que le secteur de la restauration présente des conditions de travail controversées telles que la pénibilité du travail (Monchatre, 2018), des horaires en coupure et parfois décalés, l’évolution dans un secteur jugé violent (violences verbales, pression psychologique, sexisme, racisme, etc.).

La formation des personnes en situation de précarité doit donc aussi consister en un accompagnement économique et social.

Des structures promouvant l’intégration par la formation en restauration et un accompagnement spécifique

Plusieurs structures proposent d’apporter des réponses aux différents besoins exprimés ci-dessus en s’adaptant au contexte actuel. C’est le cas des associations Refugee Food et Food2Rue, ou encore du projet Des Étoiles et des Femmes.

Pour ces collectifs, la formation en cuisine n’est pas suffisante pour assurer la pérennité des projets professionnels. Il faut aussi mettre en place un accompagnement individualisé selon le profil du bénéficiaire et selon ses besoins. Des associations s’adressent donc à des publics spécifiques, tels que les femmes (Des Étoiles et des Femmes et Food2Rue) ou des personnes réfugiées (Refugee Food). Dans le cas de Refugee Food, en plus de la formation professionnelle, des cours de français appliqué sont proposés ainsi qu’un accompagnement social personnalisé. L’association Food2Rue et le projet Des Étoiles et des Femmes ont quant à eux noué des partenariats afin de favoriser l’accès aux droits et l’émancipation des femmes (exemple : informer les mères célibataires sur le fonctionnement de l’aide à la garde d’enfants pour parent isolé (Agepi) de Pôle emploi, et les aider dans leur démarche).

L’association Des Saveurs et des Ailes s’inscrit aussi dans cette dynamique, mais s’adresse à toute personne vivant une situation de vulnérabilité (travailleur handicapé, parent isolé, réfugié, bénéficiaire de minima sociaux, etc.) afin de toucher un plus large public. DSDA trouve son originalité dans sa stratégie d’action. En effet, l’association axe ses activités sur l’entreprenariat en restauration, en accompagnant les porteurs de projet et vise ainsi la viabilité financière et l’autonomie de ces derniers. Un choix stratégique qui fait sens au regard du mandat de l’ONG Entrepreneurs du Monde, qui est à l’origine de l’initiative DSDA et qui vise l’inclusion socioéconomique durable des personnes vulnérables.

L’INITIATIVE DSDA : ACCOMPAGNER DES PERSONNES VIVANT UNE SITUATION DE PRÉCARITÉ DANS LEUR PROJET ENTREPRENEURIAL EN RESTAURATION

Une association jeune lancée par Entrepreneurs du Monde

En 2016, l’ONG Entrepreneurs du Monde (EdM), travaillant en faveur de l’inclusion économique et sociale des personnes en situation de grande précarité en Afrique, en Asie et à Haïti, décide d’initier des activités en France. Après une étude des besoins de la Métropole de Lyon en termes d’inclusion socioéconomique de publics vulnérables, EdM
décide de lancer le Programme France en 2017. Initialement, ce programme « pilote » permettait d’accompagner certaines catégories (mères célibataires, réfugiés et personnes de la rue) pour formaliser et concrétiser leur projet entrepreneurial, quel que soit le secteur d’activité envisagé.

Par la suite, le programme évolue et devient en 2019 le Programme ICI (pour incubation, création et inclusion) qui se recentre sur le secteur de la restauration. Un choix stratégique, car il s’agit d’un secteur porteur d’emplois, s’intégrant bien dans le contexte lyonnais, Lyon étant considérée comme une « capitale mondiale de la gastronomie ». Par ailleurs, la réputation gastronomique de la ville est consacrée le 16 novembre 2010 par l’UNESCO, et intègre ainsi le patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Le programme fait aussi le choix d’élargir son public cible à toute personne atteinte par une forme de vulnérabilité : personnes touchant des minimas sociaux, parents isolés avec enfants à charge, personnes peu qualifiées (infra-bac), personnes en parcours de réinsertion, etc. En 2021, en raison du développement de ses activités, le programme se transforme et se formalise en association qui prend le nom « Des Saveurs et des Ailes ».

Fonctionnement actuel

Aujourd’hui, DSDA se compose d’une équipe de quatre salariés sous contrat avec EdM : le directeur de l’association, une responsable de la couveuse, un responsable de la production et un formateur en restauration. Les salariés travaillent à la coordination générale des activités, à la formation et à l’accompagnement des entrepreneurs. L’association s’appuie également sur une vingtaine d’experts-bénévoles qui interviennent au sein de la formation et assurent le suivi individuel des porteurs de projet. Quarante partenaires techniques (Pôle Emploi, CitésLabs, etc.) agissent dans la cadre du référencement des porteurs de projet.

En 2022, DSDA était encore liée à EdM de la manière suivante :

  • le bureau de l’association DSDA est composé de membres de l’association EdM ;
  • l’équipe opérationnelle bénéficie du soutien des équipes support de EdM (communication, comptabilité, recherche de fonds, gestion des risques, performance sociale, etc.).

Cependant, depuis 2021, DSDA détient son propre chiffre d’affaires, son compte en banque, ses propres actifs et son comptable.

En ce qui concerne les activités de l’association, DSDA propose un parcours de formation
des personnes éloignées de l’emploi souhaitant créer une entreprise de restauration, quelle que soit sa forme (restaurant traditionnel, street food, traiteur, etc.). Les porteurs de projet sont proposés par des structures partenaires telles que Pôle emploi, CitésLabs ou l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie).

Pour les porteurs de projet, la restauration, notamment en ce moment et à la suite des différentes mutations récentes du secteur, peut offrir de nouvelles opportunités. L’association propose ainsi un parcours en trois étapes principales :

  • une phase de diagnostic social et économique
    et d’orientation individuelle ;
  • une phase de formation intensive ;
  • une phase de test et de lancement d’activité.

Chaque « promotion » est formée d’une dizaine de porteurs de projet qui suivront a minima la formation intensive de dix semaines puis auront la possibilité de tester leur activité sur la base d’un contrat de trois mois, renouvelable deux fois et passé entre eux et DSDA.

S’ORIENTER, SE FORMER ET SE TESTER !

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