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MOTS-CLÉS : PRÉCARITÉ ALIMENTAIRE ÉTUDIANTE, PLATEFORME SOLIDAIRE, PARRAINAGE DE PROXIMITÉ, INITIATIVE CITOYENNE, ENGAGEMENT, DÉMOCRATIE ALIMENTAIRE
Dans un contexte d’augmentation de la précarité alimentaire, étudiante en particulier, de nouvelles formes de solidarité ont émergé, comme l’association « 1 cabas pour 1 étudiant ». Créée pendant la crise sanitaire, elle propose une réponse originale à la précarité alimentaire étudiante sous la forme d’une plateforme solidaire de parrainage de proximité. Cette étude s’intéresse au contexte de création de l’association, à son fonctionnement et aux enjeux qui l’attendent pour pérenniser et étendre son action. Cette initiative citoyenne démontre également que l’alimentation est devenue un vecteur de mobilisation et d’engagement social.
Une précarité alimentaire étudiante mise en lumière pendant la crise sanitaire
En 2020, la crise du covid-19 a mis en lumière des figures de la précarité alimentaire jusqu’ici plutôt invisibles : les étudiants. Le sujet de la précarité alimentaire étudiante n’est en réalité pas nouveau, celle-ci s’accroît, en effet, régulièrement depuis vingt ans. Les étudiants sont particulièrement sujets à des situations de précarité économique car ils dépendent exclusivement de la solidarité familiale, des aides publiques ou d’emplois souvent précaires en parallèle de leurs études. De plus, avec la hausse récente des prix alimentaires, une part croissante des étudiants n’a plus accès à une alimentation saine, durable et en quantité suffisante : le budget moyen nécessaire pour un étudiant pour l’année scolaire 2022 a augmenté de près de 6,5 %, soit 428 € par étudiant (UNEF, 2022). Au final, 30 % des étudiants ont un budget de moins de 30 € par semaine à consacrer à leur alimentation (Faucher et al., 2022 ; Cuisine Ta Mère, 2017).
La précarité alimentaire ne se résume pas à la pauvreté monétaire
En réalité, près d’un étudiant sur deux rencontre des difficultés pour s’alimenter de façon saine et équilibrée. En effet, au-delà des freins économiques, il existe de nombreux freins sociaux à l’accès des étudiants à une alimentation saine et de qualité. Les pratiques alimentaires des étudiants sont notamment conditionnées par leur lieu de vie (les étudiants qui vivent en famille ou en colocation cuisinent plus que ceux qui sont isolés), par l’offre alimentaire disponible autour des campus étudiants, par leur accès à de la ressource (le manque d’espace, le manque de matériel et le manque de temps constituent des freins pour cuisiner) et par l’existence ou non de repères alimentaires et/ou de compétences culinaires (Faucher et al., 2022).
Pour la majorité des étudiants, l’alimentation représente une variable d’ajustement car elle passe après les autres postes de dépenses (logement, assurance, transport, etc.) et il leur est possible de faire des économies sur ce poste. Pour ne pas avoir faim, ils vont ainsi prioriser la quantité au détriment de la qualité. Ces habitudes alimentaires ont cependant de graves conséquences sur leur santé, les amenant vers des situations de maigreur, d’obésité ou de maladies chroniques liées à la nutrition (Faucher et al., 2022).
Les enjeux liés à une alimentation saine, durable et de qualité sont souvent secondaires pour une grande partie des étudiants, alors que celle-ci est indispensable à leur santé et à la réussite de leurs études (Faucher et al., 2022). Une étude américaine, réalisée en 2021 par une équipe de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, démontre d’ailleurs que les étudiants en situation de précarité alimentaire ont deux fois moins de chances d’obtenir des diplômes de niveau licence ou master que les étudiants ayant accès à une alimentation équilibrée et de qualité (Tomas, 2021).
Des réponses conventionnelles inadaptées et/ou incomplètes
En réponse à ces situations de précarité, le système français d’aide alimentaire offre une grande variété de dispositifs, reflétant la multiplicité des acteurs. L’aide alimentaire en nature, dans laquelle le secteur associatif joue un rôle central, se fait principalement suivant trois types de distribution : les colis alimentaires, les épiceries sociales et les distributions de repas. Or, le fait de proposer des denrées alimentaires non choisies par les bénéficiaires ne permet pas de répondre à l’ambition d’une sécurité alimentaire durable (Caillavet et al., 2021).
Il existe également des aides financières directes spécifiques aux étudiants pour pallier la précarité alimentaire, comme les bourses ou des dispositifs mis en place par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Instauré en septembre 2020 pour les élèves boursiers, le repas à 1 € a ainsi été élargi à tous les étudiants en janvier 2021 au vu des files interminables devant les distributions alimentaires pendant la crise sanitaire : tout étudiant, sans restriction, pouvait alors bénéficier de deux repas par jour à 1 € dans les restaurants universitaires gérés par les CROUS. Mais dès septembre 2021, cette mesure a, de nouveau, été limitée aux étudiants boursiers, limitation confirmée en février 2023 par un vote à l’Assemblée nationale (Le Monde, 2022). Or 73 % des étudiants ne perçoivent pas de bourse (Cop1, 2022), sans recevoir pour autant des aides du milieu familial.
De nouvelles alternatives à l’aide alimentaire conventionnelle doivent se développer
L’aide alimentaire conventionnelle ne permet pas de répondre à l’ambition d’une sécurité alimentaire durable pour les étudiants, d’autant plus qu’elle n’atteint pas tout le monde : d’après l’étude INCA3, il y aurait près de quatre fois plus de personnes en situation d’insécurité alimentaire que d’utilisateurs de l’aide alimentaire (12 % contre 3,3 % de la population adulte) (Caillavet et al., 2021). Le non-recours est un phénomène fréquent qui peut s’expliquer par les difficultés d’accès à l’aide alimentaire (critères administratifs trop sévères, difficultés pratiques d’accès, horaires inadaptés, inadéquation du contenu de l’aide en quantité et/ou en qualité) et par « la volonté de ne pas porter atteinte à sa dignité en devant faire “appel à l’aide” pour un besoin aussi vital que se nourrir » (Caillavet et al., 2021).
Un rapport publié par le think tank Terra Nova a procédé à l’analyse de dispositifs dits alternatifs à l’aide alimentaire (tels que les groupements d’achats, les épiceries ouvertes à tous, etc.), qui ont tenté de répondre à certaines limites de l’aide conventionnelle. Il a ainsi établi une liste de critères que devrait remplir un dispositif favorable à une sécurité alimentaire durable. Selon ce rapport, il est indispensable que « le dispositif regroupe un ensemble de mesures agissant sur l’accessibilité économique, l’accessibilité physique, l’empowerment individuel et le lien social, tout en incluant une réponse aux situations d’urgence ainsi qu’une démarche “d’aller-vers” pour limiter le non-recours » (Caillavet et al., 2021).
À travers l’exemple de l’association « 1 cabas pour 1 étudiant », qui replace le lien social au cœur du sujet de la précarité alimentaire, nous verrons qu’il est possible d’imaginer de nouvelles réponses face à la précarité alimentaire étudiante qui soient plus inclusives et fondées sur un engagement citoyen.
Une solidarité de quartier remise au goût du jour
En mettant en lumière la précarité alimentaire des étudiants, la crise sanitaire a également suscité l’émergence de nouvelles formes de solidarités alimentaires de proximité, plus informelles, tentant de répondre aux urgences du moment (perte des emplois étudiants, fermeture des restaurants universitaires, isolement des étudiants loin de leurs familles). L’association « 1 cabas pour 1 étudiant » en fait partie. Cette association propose une nouvelle réponse à la précarité alimentaire étudiante sous la forme d’une plateforme solidaire de parrainage de proximité. Son objectif est d’apporter aux étudiants un soutien moral et financier sous la forme d’un cabas. Ce dernier est en réalité symbolique : il peut contenir de la nourriture et des produits d’hygiène, mais également des loisirs (livre, musique, etc.), du temps et de la compagnie sous la forme d’un repas partagé. Au-delà d’aider les étudiants à manger à leur faim, il s’agit de rompre leur isolement et de les aider à traverser les moments difficiles.
L’idée de cette plateforme est née au début de l’année 2021. Sa fondatrice et présidente, Marion Dolisy Galzy, constatait que les étudiants étaient isolés dans leur logement, privés de lien social, que leur budget déjà limité était fortement impacté par la perte ou la réduction de leur emploi et que leur détresse psychologique était à son maximum. D’un autre côté, comme elle, de nombreux citoyens avaient envie d’aider ces étudiants, en leur offrant quelques courses ou en les soutenant moralement pour les aider à tenir le coup dans leurs études. Marion Dolisy Galzy a alors eu l’idée d’organiser une solidarité de quartier sous la forme d’une plateforme solidaire digitale, afin de mettre en contact ceux qui veulent aider avec des étudiants de leur ville. La plateforme web a été conçue et mise en ligne en février 2021 : un mois plus tard, 500 parrainages avaient été créés.
Un parrainage de proximité qui s’adapte
« 1 cabas pour 1 étudiant » est une innovation sociale qui utilise le digital pour organiser le parrainage de proximité. Les tandems sont constitués uniquement sur le critère géographique : cette proximité est un facteur clé pour permettre des échanges réguliers et le maintien d’un lien social. L’étudiant s’inscrit sur la plateforme et est mis en relation avec un parrain ou une marraine bénévole à proximité de chez lui (quelques kilomètres maximum). Le parrain s’engage alors, sur une année scolaire, à soutenir moralement son ou sa filleul(e) et à lui fournir régulièrement un cabas en fonction de ses besoins (Figure 1).
Une fois constitué, chaque tandem personnalise son organisation en respectant les deux piliers du dispositif : des courses offertes et le partage d’un lien social. En n’imposant aucun calendrier, aucun montant minimum de courses ou autre impératif, l’association innove par la très grande souplesse qu’elle offre aux parrains. « À chacun de créer son propre parrainage, selon les possibilités du parrain et les besoins du filleul ; chacun doit cependant faire un pas vers l’autre », précise Marion Dolisy Galzy (2023).
Des outils pour garantir un meilleur parrainage
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