L’actualité du marché des produits de grande consommation est marquée par l’apparition d’applications mobiles permettant aux consommateurs d’évaluer les produits alimentaires en scannant leurs codes-barres. Cet article analyse les critères de qualification et de notation des produits mobilisés par ces applications et les projets controversés de gouvernement des conduites qui les sous-tendent. Il montre que les applications évaluent les produits à partir de conceptions plurielles du « bien manger », qu’elles s’articulent autour de quelques dimensions prépondérantes (la qualité nutritionnelle, les additifs et le niveau de transformation des produits) et qu’elles participent tout à la fois à prolonger et à détourner l’action des pouvoirs publics en matière de gouvernement des conduites alimentaires et d’information du consommateur.
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Article scientifique
Articles
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Gouverner la qualité alimentaire par les applications
3 novembre 2021, par Mathilde COUDRAY -
De la hausse des prix au retour du « productionnisme » agricole : les enjeux du sommet sur la sécurité alimentaire de juin 2008 à Rome
3 novembre 2021, par Mathilde COUDRAYEn mai 2007, la rumeur de la création d’un nouveau gouvernement français sans ministère de l’Agriculture courait. Celui-ci serait éventuellement relégué au rang de secrétariat d’État. Le rapport annuel de la Banque mondiale sur le développement dans le monde sortait six mois plus tard, consacré à l’agriculture. Il dénonçait l’abandon dont ce secteur avait fait l’objet depuis plus de vingt ans. La part consacrée au secteur agricole dans l’aide publique au développement était ainsi passée de 11,5 à 3,9 milliards de dollars entre 1987 et 2005. En moins d’un an, les manifestations populaires et les émeutes que la flambée des prix a provoquées auront réussi à bouleverser l’agenda politique international et à replacer l’agriculture dans les débats internationaux. Revenir sur cet emballement médiatique et tenter de prendre du recul sur l’enchaînement des événements ne vise pas à dénoncer cette nouvelle priorité. Mais ce retour de balancier porte en lui de nouveaux risques qui pourraient bien conduire, si l’on n’y prend garde, à provoquer demain d’autres crises alimentaires.
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Manger local. Leurres et promesses
3 novembre 2021, par Mathilde COUDRAYInvestir l’espace géographique local serait une solution pour permettre une transition réelle vers des systèmes alimentaires plus écologiques et plus justes. Parce qu’il y a là une évidence partagée au-delà de clivages partisans, il convient d’y regarder de plus près afin de mieux voir les revers d’une telle focalisation sur cette échelle d’action. À cette condition seulement, il sera possible d’échapper à la réduction des problèmes écologiques et économiques aux seuls problèmes scalaires, et par là-même de ne pas faire du local une fin mais un moyen pour d’autres fins.
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La social-écologie : une perspective théorique et empirique
27 octobre 2021, par Mathilde COUDRAYDans son acception la plus commune, le développement soutenable se définit comme la préoccupation éthique et politique accordée simultanément aux enjeux économiques, sociaux et écologiques. Trois chaînons unissent dans cette optique les trois domaines de la soutenabilité : la relation « économie-environnement », la relation « économie-social » et la relation « social-environnement ». Au vu de l’état actuel de la recherche et des politiques publiques, un constat paradoxal s’impose : alors même qu’il s’agissait du cœur du travail de la commission Brundtland (1983-1987), la relation « social-environnement » est, près de trois décennies après la publication du rapport qui en a popularisé le concept, le chaînon manquant du développement soutenable.
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Le métissage, dynamique des gastronomies
26 octobre 2021, par Mathilde COUDRAYLa gastronomie est une notion ambivalente, tantôt confisquée par un discours élitiste de l’« art de la bonne chère », tantôt assimilée par une culture du boire et du manger construite autour de ces pratiques. En 1826, Brillat-Savarin l’explicitait en « art de régler l’estomac ». Mêlant considérations médicales et recettes de cuisine, il transforme la gastronomie en Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante. Dès lors perçue comme le fait de « gastronomes », elle est « la connaissance raisonnée de tout ce qui se rapporte à l’homme en tant qu’il se nourrit ». Cette conception creuse le fossé qui sépare des cuisines dites populaires de celles dites gastronomiques, que l’on retrouve à la table des grands. La gastronomie, dans cette prétention des plus élitistes, est dénoncée par Jean-Louis Flandrin comme une « pseudo-science du bien-manger » issue d’une rationalisation des pratiques et des consommations alimentaires, et remet en cause les principes d’une diététique née des Lumières. Aussi, elle ne peut être comprise sans être rattachée à la construction des identités nationales tout comme elle présente des caractéristiques qui n’ont cessé d’être interrogées et mises en cause par les historiens.
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Recycling, recovering and preventing “food waste” : competing solutions for food systems sustainability in the United States and France
3 novembre 2021, par Mathilde COUDRAYDrawing on a distinction between “weak” and “strong” sustainability, this paper argues that “strong” prevention based on holistic changes in the food system is the most sustainable solution to food surplus and waste. It suggests that academics focus on strong food surplus prevention, but also that advocates encourage government and corporate actors to differentiate between weak and strong actions to diffuse strong sustainability across organizations and countries.
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A conceptual model of the food and nutrition system
27 octobre 2021, par Mathilde COUDRAYThe integrated model developed here included three subsystems (producer, consumer, nutrition) and nine stages (production, processing, distribution, acquisition, preparation, consumption, digestion, transport, metabolism). The integrated model considers the processes and transformations that occur within the system and relationships between the system and other systems in the biophysical and social environments. The integrated conceptual model of the food and nutrition system presents food and nutrition activities as part of a larger context and identifies linkages among the many disciplines that deal with the food and nutrition system.
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Small farm production and the standardization of tropical products
26 octobre 2021, par Mathilde COUDRAYThis paper explores the historical relations between labour organization and product qualification in the production of tropical agricultural exports. In supplying international markets for tropical products, peasant farming emerged as the norm for labour organization after the First World War, competing with the large plantations and different systems of forced labour. During the same period, national standards became the dominant tool for product qualification of commodities traded on the global agricultural markets. These standards allow the creation of futures markets and the emergence of traders, instead of auction markets and commission merchants : two changes that were the basis of the subsequent international marketing of peasant-produced commodities. The last part of the paper considers the potential consequences of the current erosion of standards for the position of peasants in tropical export crop cultivation.
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L’animal d’élevage n’est pas si bête
26 octobre 2021, par Mathilde COUDRAYL’évolution de l’élevage et la construction des « productions animales » se sont appuyées sur un changement drastique du statut de l’animal d’élevage. À partir du milieu du 19e siècle en France, la zootechnie l’a déconstruit en tant qu’animal et en a fait une « bête » : chose, outil, matière, minerai. Considérés ainsi par les procédures du travail en systèmes industriels et intensifiés, les animaux d’élevage n’en sont pas moins supposés faire preuve d’intelligence, le travail ne pouvant se faire sans leur collaboration, voire sans leur coopération. Les vaches, les truies, ne sont donc pas si « bêtes » et la majorité des éleveurs qui, au quotidien, travaillent avec elles en sont intimement convaincus. Les animaux résistent à la bêtise, persistent dans leur être animal et leur désir de vivre en relation au monde. C’est bien cette résistance, jugée nuisible à la productivité, qui conduit aujourd’hui à robotiser le travail et à accélérer l’entreprise techno-biologique de réification des animaux d’élevage.
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Nourrir les morts ou « Celui qui fait vivre », les différents régimes de commensalité rituelle chez les Mixe (Oaxaca, Mexique)
26 octobre 2021, par Mathilde COUDRAYAu Mexique, les célébrations publiques et privées liées à la Toussaint (Día de Muertos), tout autant que la multiplication des représentations de la mort sous la forme de la Catrina ou de squelettes, font désormais partie d’une culture populaire se diffusant bien au-delà des frontières du pays. Le développement d’un tel imaginaire, notamment dans les zones urbaines, tend à accréditer l’idée selon laquelle les Mexicains entretiendraient un rapport de proximité avec les morts qu’ils accueilleraient en leur offrant des repas dans une atmosphère festive au moment de leur retour annuel. En réalité, l’observation ethnographique des transferts alimentaires destinés à ces visiteurs dans les communautés de Mixe vivant dans l’État d’Oaxaca prouve que la crainte de voir les morts rester dans la sphère domestique ne disparaît pas à la Toussaint. Pour le démontrer, cet article mène une étude contrastive des régimes de commensalité associés aux dépôts cérémoniels – associés à des sacrifices de volailles – selon qu’ils sont destinés aux morts ou à une entité appelée « Celui qui fait vivre ». Alors que l’anthropologie religieuse s’est souvent consacrée à l’étude de la symbolique des éléments transférés lors d’une offrande alimentaire, l’angle d’analyse adopté se concentre sur les dynamiques interactionnelles grâce auxquelles est mise en scène l’acceptation de ces transferts par ces différents destinataires. En dépit des similitudes dans la morphologie rituelle, on découvre alors que les dépôts de nourritures n’établissent pas les mêmes types de relations avec les morts ou avec « Celui qui fait vivre ».