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Pour des solidarités alimentaires !

Par Marie Walser

Mars 2024

Leur cri d’alarme ne nous aura pas échappé : les agriculteur·rice·s de France et d’autres pays européens sont sorti·e·s de leur ferme pour dénoncer un système qui « marche sur la tête ». Au cœur de la gronde figure la tension économique extrême qui tiraille une partie des exploitations, dans lesquelles celles et ceux qui nous nourrissent ne parviennent parfois pas à se nourrir elleux-mêmes. Ainsi, d’après l’Insee, 16 % des ménages agricoles français vivaient sous le seuil de pauvreté en 2023.

Autre cri d’alarme, quelques mois plus tôt : celui des Restos du Cœur, dépassés face à l’afflux croissant de personnes qui poussent chaque jour la porte de leurs centres de distribution alimentaire. Ces personnes font partie des 16 % de Français·e·s qui, ne parvenant pas à se nourrir à leur faim en 2022, ont dû recourir à diverses stratégies, comme se rendre à l’aide alimentaire ou sauter des repas (voir l’étude du Crédoc dédiée au sujet). Quel est donc ce paradoxe, dans un pays où la disponibilité alimentaire excède largement les besoins, qu’une partie de la population n’ait pas accès à une nourriture adéquate et choisie ?

16 % : hasard de la statistique, ce chiffre illustre à lui seul l’échec de notre système alimentaire contemporain à assurer la sécurité alimentaire et des conditions de vie dignes de part et d’autre de la chaîne alimentaire. Alors que les acteur·ice·s « du milieu » (industries agroalimentaires et grande distribution) enregistrent des résultats économiques historiques, ce système de plus en plus injuste a perdu de vue son objectif premier, celui d’entretenir nos communs alimentaires, au bénéfice de toutes et tous.

Face à ce constat, et dans l’attente de la reconnaissance d’un véritable droit à l’alimentation, des solidarités se tissent, partout en France, posant les bases d’un nouveau contrat social alimentaire. Bien souvent impulsées par et pour les citoyen·ne·s, ces solidarités alimentaires inventent, à travers leurs modèles socio-économiques, de plus dignes voies d’accès à une alimentation saine et choisie. Elles visent une double justice, sociale et environnementale, dans une perspective de démocratie alimentaire.

Ces dernières années, la Chaire a mis les solidarités alimentaires au cœur de ses activités. Elle a notamment organisé en 2022 les rencontres sciences-société « Pour des solidarités alimentaires » ; un événement visant à rapprocher les communautés de recherche et de pratique investies sur le sujet. Une seconde édition se tiendra les 26 et 27 septembre 2024. La Chaire contribue également à l’acculturation de (futur·e·s) professionnel·le·s à cette thématique : des étudiant·e·s en travail social mais aussi des acteur·rice·s des systèmes alimentaires, notamment via l’ouverture à la formation continue au mois d’avril prochain d’un module « Lutte contre la précarité alimentaire, nouvelles formes de solidarité et de démocratie alimentaires ».

Si le sujet de l’accès digne à une alimentation de qualité pour toutes et tous fait l’objet d’un intérêt politique incontestable (en témoigne la récente proposition de loi sur la création de « Territoires Zéro Faim » à l’Assemblée nationale), le changement d’échelle des initiatives de solidarité alimentaire n’en est encore qu’à ses prémisses. Parmi les leviers d’action sur lesquels nous travaillons pour accélérer ce développement : 1/ mieux caractériser la précarité alimentaire à l’échelle territoriale et 2/ objectiver l’impact positif et multidimensionnel des projets de solidarité alimentaire (le 14 mars prochain on s’intéressera ainsi, dans un webinaire dédié, à l’évaluation du programme MALIN).

Notre Chaire Unesco Alimentations du monde n’oublie pas de tourner son regard vers l’ailleurs. Que ce soit dans d’autres pays européens ou de l’autre côté de l’Atlantique, comme au Canada ou au Brésil, des futurs alimentaires justes et durables s’inventent partout. Charge à nous d’en faire l’écho, pour que les innovations de là-bas nourrissent l’action d’ici et inversement.